Charte des droits et libertés de la personne du Québec

 

La Charte des droits et libertés de la personne du Québec a été adoptée par l’Assemblée nationale du Québec le 27 juin 1975. Elle est entrée en vigueur le 28 juin 1976. La Charte a comme objectif majeur d’harmoniser les rapports des citoyens entre eux et avec leurs institutions, dans le respect de la dignité humaine. Plusieurs articles de la Charte interviennent dans l’intégration des étudiants en situation de handicap.

La Charte des droits et libertés de la personne du Québec reconnait au chapitre des droits et libertés fondamentaux, le droit au respect de sa vie privée.

Article 5 : « Toute personne a droit au respect de sa vie privée. »

Ce droit prend tout son sens pour les étudiants en situation de handicap qui souhaitent garder confidentielle leur condition médicale. En plus de disposer de ce droit, ils en sont les seuls titulaires.

Une personne ou un organisme qui divulguerait une telle information serait susceptible d’être poursuivi pour violation de la Charte par l’étudiant dont les renseignements personnels auraient été divulgués sans son consentement. (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 2012)

 

La Charte des droits et libertés de la personne du Québec reconnait le droit au respect du secret professionnel.

Article 9 : « Chacun a droit au respect du secret professionnel. Toute personne tenue par la loi au secret professionnel et tout prêtre ou autre ministre du culte ne peuvent, même en justice, divulguer les renseignements confidentiels qui leur ont été révélés en raison de leur état ou profession, à moins qu’ils n’y soient autorisés par celui qui leur a fait ces confidences ou par une disposition expresse de la loi. »

Pour l’étudiant ayant des besoins particuliers, la divulgation des renseignements confidentiels confiés à un professionnel dans l’exercice de ses fonctions n’est autorisée que si l’étudiant y consent. Par exemple, un psychologue, employé d’un collège, doit obtenir de l’étudiant son autorisation pour divulguer les informations. Dans le cas contraire, comme il est membre d’un ordre professionnel et qu’il doit respecter le code de déontologie, il pourrait être exposé à des sanctions disciplinaires de la part de son ordre en plus d’un recours en vertu de la Charte(Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 2012)

 

La Charte des droits et libertés de la personne du Québec reconnait au chapitre des droits et libertés fondamentaux, le droit à l’égalité dans l’exercice des droits et libertés.

C’est une loi fondamentale, car elle a préséance sur tout texte législatif (loi, règlement, décret, convention collective, etc.). Elle interdit la discrimination et le harcèlement fondés sur un handicap ou l’utilisation d’un moyen pour pallier un handicap. (Bonnelli et al., 2010)

Article 10 : « Toute personne a droit à la reconnaissance et à l’exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l’orientation sexuelle, l’état civil, l’âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l’origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l’utilisation d’un moyen pour palier ce handicap. Il y a discrimination lorsqu’une telle distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre ce droit. »

 

Toute personne au Québec a droit d’être traitée en pleine égalité et, par conséquent, à la protection contre la discrimination interdite dans l’exercice de l’ensemble des droits et libertés affirmés par la Charte. (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 2010)

 

La discrimination interdite

Il y a discrimination interdite (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 2010) lorsqu’un individu ou une organisation se base sur une « caractéristique personnelle » de quelqu’un pour lui refuser, par exemple, un emploi, un logement, l’accès à un lieu public ou l’exercice d’un autre droit reconnu par la Charte.

Pour être interdite, la discrimination ne doit pas obligatoirement être directe. Elle peut aussi découler d’une règle apparemment neutre, applicable à tous, mais qui a des effets préjudiciables sur une personne à cause d’une « caractéristique personnelle » définie comme motif de discrimination.

L’article 10 de la Charte énumère les caractéristiques personnelles qui constituent les motifs de discrimination interdite. Il s’agit dans le présent cas, d’un handicap ou d’un moyen pour pallier un handicap.

 

La jurisprudence

La jurisprudence interprétant la notion de « handicap » contenue dans la Charte élargit de façon significative la portée de cette définition. Selon les tribunaux, la notion de handicap inclut entre autres (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 2012) :

  • Les limitations de nature physique : « les malformations physiques et congénitales, les maladies chroniques, les troubles du langage, la dyslexie, l’obésité, le diabète, l’épilepsie, l’état de séropositivité, les allergies, l’asthme, le cancer, la maladie de Crohn et le problème de bégaiement, etc. ».
  • Les limitations de nature psychologique : « la dépression nerveuse, les troubles de personnalité, la douleur chronique ou fibromyalgie, la bipolarité avec troubles de l’humeur, les troubles de comportements, les problèmes d’anxiété, de dépendances aux drogues et l’alcoolisme et l’autisme, etc. ».
  • Les limitations de nature temporaires, telles que la dépression, le syndrome anxio-dépressif temporaire ou la dépendance face à l’alcool ou à la drogue (la durée n’est pas un élément essentiel du handicap).
  • Les limitations qui peuvent découler de perceptions, de mythes ou de stéréotypes (le handicap peut donc être réel ou perçu).

 

L’évolution de la jurisprudence

S’appuyant sur l’esprit de la Charte, les décisions rendues ont fait évoluer la jurisprudence et l’interprétation de la définition du handicap, ce qui explique notamment pourquoi les troubles d’apprentissage et les troubles mentaux sont maintenant considérés par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse comme des handicaps (Bonnelli et al., 2010).

L’obligation d’accommodement :

  • commande la mise en œuvre des mesures raisonnables afin d’éliminer la situation de discrimination. Ces mesures peuvent prendre différentes formes visant à pallier le désavantage dont est victime l’étudiant.
  • accorde des mesures adaptées à un étudiant en situation de handicap. Cette création jurisprudentielle est née du souci des tribunaux de contrer, de façon effective, une situation discriminatoire et de permettre ainsi l’exercice réel du droit à l’égalité tel que consacré par la Charte.

Tous les individus, groupes et organismes doivent s’y conformer, ce qui inclut le gouvernement du Québec et les administrations scolaires. Ils ont l’obligation de fournir un accommodement raisonnable, découlant du droit à l’égalité, aux personnes en situation de handicap (Bonnelli et al., 2010).

Le Cégep a donc l’obligation de prendre des moyens raisonnables afin de pallier le désavantage dont est victime l’étudiant en situation de handicap.

Ainsi, il a l’obligation d’offrir des mesures adaptées pour permettre à un étudiant en situation de handicap d’accéder aux locaux, d’utiliser le matériel disponible, d’acquérir du matériel adapté, modifier les installations existantes, confectionner un horaire adapté aux besoins de l’étudiant, engager des ressources pour pallier certains types de limitations comme fournir les services d’un interprète ou même, à la limite, offrir un soutien psychologique.

Ces mesures adaptées visant à pallier leur limitation fonctionnelle ne doivent toutefois pas modifier les exigences de réussite de leur programme d’études.

 

Le concept de discrimination selon la Cour suprême

La Cour suprême a décrit comme suit le concept de discrimination :

« […] la discrimination peut se décrire comme une distinction, intentionnelle ou non, mais fondée sur des motifs relatifs à des caractéristiques personnelles d’un individu ou d’un groupe d’individus, qui a pour effet d’imposer à cet individu ou à ce groupe des fardeaux, des obligations ou des désavantages non imposés à d’autres ou d’empêcher ou de restreindre l’accès aux possibilités, aux bénéfices ou aux avantages offerts à d’autres membres de la société » (Andrews.c. Law Society of British Colombia, 1989).

Ainsi, la discrimination peut découler d’une décision, d’une politique, d’une directive ou d’un règlement qui n’est pas lui-même discriminatoire, mais se révèle l’être dans son application ou le devient compte tenu des caractéristiques propres d’un individu. Les tribunaux ont interprété de façon large la discrimination pour motif de handicap.

Des cas temporaires ou épisodiques, comme le syndrome anxio-dépressif temporaire, ont été reconnus comme des handicaps. Il en va de même pour la bipolarité avec trouble de l’humeur et dépression et les troubles de comportement. La Charte mise davantage sur les effets discriminatoires soit les obstacles à la pleine participation aux études, plutôt que sur les types de handicap et leur nature ou leur cause.(Ducharme et al.,2010)

Situation de discrimination Pourquoi?

La grille d’évaluation utilisée dans le cadre du cours d’agent de voyage administré par une commission scolaire, a produit un effet discriminatoire sur l’étudiant X en raison de son handicap de bégaiement. Avant même que l’évaluation ne débute, l’étudiant x était désavantagé par la perte de tous les points reliés à la communication verbale. En refusant d’accommoder le handicap de l’étudiant X, madame Y et la commission scolaire ont donc participé à l’effet discriminatoire à son endroit.

Bien que la commission scolaire n’avait ni le droit ni le pouvoir de modifier le programme ou la grille d’évaluation élaboré au niveau provincial, l’application concrète de cette grille permettait la marge de manœuvre voulue pour accommoder les besoins d’un cas particulier tel que celui de l’étudiant X en tenant compte d’abord du fait qu’il s’exprimait de façon tout à fait compréhensible et deuxièmement en modifiant le nombre de manquements tolérés à l’égard des objectifs de son évaluation. Cette démarche d’accommodement ne représente aucune contrainte excessive pour la commission scolaire. Enfin, l’indemnité réclamée de 5 000 $ à titre de dommages moraux est pleinement justifiée

(C.D.P.D.J c. C.S. des Draveurs, s.d.)

 

La contrainte excessive

« Le Collège ne peut être tenu d’accommoder un étudiant en situation de handicap si la mesure requise lui impose une contrainte excessive. Les tribunaux qualifieront une mesure d’excessive si son application a pour effet d’imposer au collège « un obstacle majeur et important, tant au plan pédagogique, administratif et financier » (Commission scolaire Saint-Jean-sur-Richelieu, 1994).

Ce sera également le cas si la mesure a pour effet de nuire de façon réelle et importante aux droits d’autrui, dont ceux des autres étudiants, des membres du personnel issus des milieux de  stage.

Par exemple, dans le cas d’un étudiant en stage, on ne pourrait pas l’exclure du stage puisque le stage fait partie du programme. Il faut clairement démontrer par des faits observables et mesurables que la situation de handicap de l’étudiant et les mesures adaptées sont une contrainte excessive lorsqu’il s’agit, par exemple, d’une question de danger. Il faut ici, s’assurer de bien documenter le dossier de l’étudiant en démontrant que ce dernier a des comportements qui sont dangereux pour le milieu et parfois lui-même. On peut aussi avoir recours à une évaluation par un professionnel qui déterminera si les limitations de l’étudiant vont à l’encontre de ce qui est exigé par le milieu de stage.

Pour qu’une contrainte soit excessive, elle doit être démontrée de la façon la plus objective possible. Un enseignant ne pourrait pas invoquer l’idée d’une tâche trop lourde ou trop exigeante ou encore que cette tâche ne fait pas partie de sa convention collective. La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse mentionne que la contrainte excessive est évaluée au cas par cas en tenant compte, entre autres, des impacts de la mesure adaptée sur les coûts, l’organisation du travail, la sécurité et les droits d’autrui. Toutefois, une simple contrainte n’est pas une contrainte excessive. Par exemple, un inconvénient relatif à l’organisation du travail, facilement surmontable, ne peut être considéré comme une contrainte excessive.

Si le Cégep refuse d’admettre un étudiant en situation de handicap dans un programme, il doit être en mesure de démontrer que non seulement son handicap ou les mesures adaptées requises par sa condition font obstacles aux activités pédagogiques et aux évaluations prévues, mais il doit aussi démontrer que cet obstacle est majeur et important. À défaut de quoi, il ne s’agit pas d’une contrainte excessive.

 

Dans un arrêt du tribunal des droits de la personne, on affirme que : « L’utilisation de l’adjectif « excessive » suppose qu’une certaine contrainte est acceptable. Il faut plus que de simples efforts négligeables. La réserve selon laquelle les mesures doivent être raisonnables constituent une façon différente d’exprimer ce même concept. Il s’agit d’une question de fait qui variera selon les circonstances de l’affaire. » (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. (s.d.) C. Commission scolaire des Draveurs.)« Comme enseignant je peux être consulté dans le processus de détermination des mesures adaptées offertes à un étudiant. En tant qu’expert de contenu, je connais la matière enseignée, les activités d’apprentissage, les compétences à acquérir, le programme et la manière d’atteindre les objectifs. Dans ce contexte où c’est moi qui dois appliquer les aménagements nécessaires pour pallier les limitations de l’étudiant. »